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alcazar451
17 septembre 2005

This is my generation...(Valeurs actuelles 15 septembre)

Génération Villiers

À droite toute, après le succès du référendum, le président du MPF vient d’annoncer sa candidature pour 2007. Enquête sur les “nouveaux villiéristes”.
Frédéric et Romain, 50 ans à eux deux, discutent autour d’une bière. Ils viennent de se rencontrer au bar des universités d’été du MPF, réunies le week-end dernier à Grasse (Alpes-Maritimes). Le premier, solide Toulousain à la calvitie naissante, a 31 ans. Receveur dans une société d’autoroutes, il revendique haut et fort ses « origines populaires ». C’est aussi le cas du second, dont la mère est caissière. Surtout, à 19 ans tout juste, cet étudiant en histoire à Dijon ne passe pas inaperçu : ses cheveux dressés en épis sur la tête le font davantage ressembler à un “teufeur” de rave-party qu’à un militant villiériste époque Combat pour les valeurs. Le référendum est passé par là…
C’est au mois d’avril, dans la dernière ligne droite de la campagne pour le non à la Constitution européenne, que Romain s’est décidé à prendre sa carte. Une première. « Je voulais m’inscrire à l’UMP parce que je suis fasciné par de Gaulle, dit-il. Mais l’engagement de Sarkozy pour le oui m’a profondément déçu. » Frédéric, lui aussi, se définit comme « gaulliste ». Il n’a pas encore adhéré au MPF mais s’apprête à le faire. Une « suite logique » pour cet ex-militant RPR, dont l’engagement remonte à 1989.
Fidèle à la « ligne Pasqua », ayant voté non à Maastricht, il soutiendra Balladur (et non Villiers) à la présidentielle de 1995 puis suivra l’ancien ministre de l’Intérieur lors de la création du RPF à l’issue des européennes de 1999. Enfin, il coupera les ponts avec sa famille politique d’origine : alors que sept ans plus tôt, il avait – « malgré tout », souligne-t-il – voté Chirac au deuxième tour, en 2002 il votera Le Pen aux deux tours. « J’en avais assez, s’offusque-t-il, qu’on ne parle jamais des vrais problèmes, et d’abord de l’immigration ! »
Lepéniste, Thomas, 27 ans, vendeur dans un magasin de prêt-à-porter parisien, ne s’est pas contenté de l’être furtivement dans l’isoloir : « Sympathisant depuis toujours, j’ai pris ma carte au FNJ (Front national de la jeunesse) en 1997 », raconte-t-il. « À l’époque, poursuit ce titulaire d’un simple BEP, ayant commencé à travailler à 16 ans, je trouvais Villiers mielleux. » Militant hyperactif, il tracte le jour, colle la nuit. « C’était parfois chaud, confie-t-il, mais qu’importe, quand j’ai des idées, je les défends. » Mieux : il les assume publiquement. « Durant l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2002, j’ai accepté d’être interrogé pour l’émission de Karl Zéro. À mon boulot, ils ont fait la gueule… »
Pourtant, l’année suivante, Thomas ne reprendra pas sa carte. Le temps des premiers « doutes ». « J’avais le sentiment qu’on n’avançait pas. Avec ses provocations, son refus de l’enracinement local, c’était comme si Le Pen voulait se cantonner dans l’opposition. » Le divorce est consommé en 2004. « J’ai dit stop quand Le Pen a annoncé qu’il serait encore candidat en 2007. Il faut savoir s’adapter à la société ; un parti, ce ne doit pas être seulement le culte du chef. » Convaincu que le président du FN « n’aura pas ses signatures », il se tourne alors, « dans un objectif d’efficacité », vers celui du MPF.
À eux trois, Romain, Frédéric et Thomas symbolisent bien cette nouvelle “génération Villiers”, apparue au grand jour pour la première fois lors du grand meeting du 21 mai au Palais des sports, à Paris. Ce jour-là, à la surprise de tous – et d’abord de Villiers qui avait fait configurer la salle pour une assistance deux fois moindre –, le chef de file du non de droite réunit cinq mille personnes. Plus que Sarkozy une semaine plus tôt. Mais, surtout, le public est étonnamment divers : plus populaire et plus jeune. À l’image des nouveaux adhérents. Un tiers d’entre eux, selon une étude interne, sont désormais ouvriers, employés ou chômeurs ; un quart a moins de 35 ans. Sur cette base-là, affirme Guillaume Peltier, 28 ans, le numéro deux du MPF, « nous avons doublé le nombre de nos militants depuis le référendum : 7 500 sur un total de 15 000 ». Loin, très loin des 160 000 adhérents UMP, mais plus du double, déjà, des Verts. Alors que le soufflé villiériste avait une fâcheuse tendance à retomber après chaque scrutin européen, « la mayonnaise, cette fois, est en train de prendre », assure Peltier, chargé par Villiers de « construire un vrai parti dont l’important est le point d’arrivée et non le point de départ ». C’est ainsi que, comme Romain, 61 % des nouveaux venus n’avaient jamais appartenu à un parti politique ; que, comme Frédéric, 48 % des transfuges d’autres formations sont issus du RPR ou de l’UMP ; enfin, que, comme Thomas, 37 % viennent du Front national.
« La clientèle politique de Philippe de Villiers est comprise entre la sortie de messe de 10 heures et la pâtisserie de la place », ironise Jean-Marie Le Pen. Reste que les lignes sont en train de bouger. La preuve, selon Peltier : « La moitié des nouveaux adhérents vit à l’est d’une ligne Le Havre-Perpignan. » Une révolution, pas moins, dans un parti où les troupes se recrutaient essentiellement, jusque-là, dans l’Ouest rural, catholique et conservateur !
Explication : plus que la personne de l’ancien candidat de 1995 (4,8 %), ce sont d’abord ses idées – « un patriote, pas un nationaliste frileux », dit Frédéric – et sa manière de les porter – « il ne retourne pas sa veste et on a vu en Vendée que c’était un élu efficace », poursuit Romain – qui ont progressé.
En clair, le sentiment partagé, comme le dit Villiers, d’une « désintégration de la France » et de l’« urgence » de solutions « nationales » (lire entretien page 21) a davantage séduit l’opinion que l’homme lui-même. « Il est d’abord en phase avec son époque. Les nouveaux adhérents ne sont pas “villiéristes”, comme on le dit des “sarkozistes” ! Chez nous, pas de “Villiers-show” ! », reconnaît Jean-Baptiste Doat, 23 ans, coprésident des JPF (Jeunes pour la France), la structure jeune du mouvement. « Aujourd’hui, Villiers a rendez-vous avec l’Histoire parce que c’est lui qui porte les valeurs de la France. Demain, ce sera un autre. La France, seule, est éternelle », confirme, lyrique, François-Xavier, 24 ans, étudiant à Sciences-Po.
Contrairement, donc, au président “starifié” de l’UMP véritablement happé par ses supporters lorsqu’il se risque (le plus rarement possible) à un bain de foule militant, son homologue du MPF peut tranquillement déambuler et dîner parmi les siens. De la chaleur, oui, un baiser, un encouragement, une photo, une signature, certes. Mais rien à voir avec « le culte de la personnalité qui entoure Sarkozy à l’UMP », comme le dit Werner-Yves, 20 ans, étudiant à Montpellier et adhérent depuis un an. Mais, même plus raisonné, l’enthousiasme est bien là ! Benjamin des participants, Vadim, son frère, aura 16 ans le 23 octobre, et fait rire toute la table : « Ce jour-là, s’enflamme-t-il, je prendrai ma carte ; ce sera mon cadeau d’anniversaire ! »
Villiers, l’anti-Sarko ? Assurément, et pas seulement dans ses rapports avec ses troupes. Hélène, 28 ans, ingénieur commercial à Versailles, qui a adhéré au MPF « au début de la campagne du référendum », lui trouve, certes, quelques circonstances atténuantes : « Il faut reconnaître à Sarkozy d’avoir osé lever des tabous en parlant notamment de l’immigration et des valeurs de la France », dit-elle. Mais, pour les autres, c’est haro sur le ministre de l’Intérieur ! « Sarko aime la politique, Villiers aime la France », résume Guillaume Peltier.
À l’unisson du numéro deux du MPF, pointant notamment « l’homme de la discrimination positive », c’est à qui, étonnamment, le dénoncera avec le plus de virulence : « Il ne s’intéresse qu’à la forme, pas au fond » (Werner-Yves) ; « C’est de l’esbroufe » (François-Xavier) ; « Un opportuniste » (Thomas) ; « Il nomme les problèmes, se déplace, fait des effets, et puis c’est tout ! À La Courneuve, son Karcher devait être en panne, parce que rien n’a changé ! », accuse même Jean-Christophe Carme, 38 ans, le président du syndicat CFTC Police, présent aux universités d’été.
Même s’ils dénoncent aussi son bilan – « Quel bilan ? », ironise Jean-Baptiste –, Dominique de Villepin a incontestablement la préférence des villiéristes. « Je pense qu’il est honnête. Au moins, il ne promet pas la lune », estime Thomas.

“Il a longtemps été bloqué sur certaines questions”.

À 20 ans, Clémence, en licence de lettres à la Sorbonne, n’a pas encore adhéré au MPF, qu’elle a réellement découvert à l’occasion du meeting du Palais des sports. Mais « ma décision est prise », dit-elle. À l’occasion de ces universités d’été à Grasse, elle a travaillé aux côtés de Peltier et de la « petite garde rapprochée du président », à l’origine de bien des conversions. Y compris, en partie, celle de Villiers lui-même ?
Transfuge du FN, comme plusieurs autres membres de son équipe, son numéro deux le confirme : « Il a longtemps été bloqué, pas suffisamment libre, sur certaines questions. Après ses succès aux européennes, il revenait à un discours plus convenu. Aujourd’hui, il assume sans tabou ce qu’il est vraiment : un homme de vraie rupture. »
« Décomplexé », comme le dit encore Peltier, par son nouvel entourage, il était finalement logique que son discours, issu et s’adressant à cette nouvelle génération, le devienne aussi. Génération Villiers, génération décomplexée.
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